Régulièrement, on pointe du doigt le taux d’absentéisme et l’impact qu’il peut avoir sur la compétitivité de l’entreprise et sur le moral des collaborateurs.
Or, le « présentéisme » présenterait aussi un réel frein aux entreprises françaises. Il coûterait 14 à 24 milliards d’euros par an soit 2 fois plus que l’absentéisme des collaborateurs.
Mais qu’est que ce que le « présentéisme ? Pourquoi a-t-il un impact négatif sur les entreprises et leurs équipes ? Comment repérer les signes et lutter contre ce phénomène ?
Qu’est-ce que le présentéisme ?
Lequel de vos collaborateurs n’est jamais revenu travaillé par 40 de fièvre parce qu’il avait un dossier à terminer ? Lequel d’entre n’eux n’est jamais resté plus tard le soir sous prétexte qu’il avait un dossier urgent à remettre. Lequel ne s’est jamais rendu disponible alors qu’il est en vacances à l’autre bout du pays avec femme et enfant ?
Le présentéisme au travail, c’est tout cela.
Il consiste dans « le fait de la présence physique d’un salarié sur son lieu de travail alors que son état physique, mental et/ou sa motivation ne lui permette pas d’être pleinement productif dans ses tâches et ses missions » (Culture RH)
C’est en France que ce phénomène de présentéisme est le plus visible : 62% des Français déclarent aller travailler alors qu’ils sont malades. Un quart des salariés renoncent à prendre un arrêt de travail (Enquête Malakoff MEDERIC 2018)
Notre vision du travail veut qu’on assimile la présence d’un salarié à un signe de motivation, de performance et d’exemplarité.
Or, il a été démontré que le surinvestissement au travail pouvait avoir des effets bien plus néfastes sur les résultats de l’entreprise : un salarié présent mais malade sera moins efficace, moins productifs et peut-être susceptibles de faire davantage d’erreurs.
A terme, le capital émotionnel des collaborateurs peut aussi être altéré, pouvant conduire à des arrêts de travail bien plus importants pouvant aller jusqu’au burnout.
Les chiffres du présentéisme au travail
Selon M. POIROT (Midori Consulting), « Un salarié fait du présentéisme lorsque sa productivité recule de 3% ».
Alors que le coût du présentéisme est 2 fois plus élevé que celui de l’absentéisme, on l’évalue entre 2,7% et 4,8% de la masse salariale.
En France, selon un sondage Ipsos, 74% des salariés déclarent avoir au minimum une journée sur le mois pendant laquelle ils pratiquent le présentéisme au travail. 28% d’entre eux estiment faire du présentéisme une à deux fois par semaine.
Outre le coût en heures supplémentaires et en manque de productivité que peut représenter ce phénomène, son impact sur les coûts liés à la santé au travail est aussi remarquable.
On évalue à 61% la part des dépenses liées à la santé au travail due au présentéisme !
Quelles sont les causes de ce phénomène ?
Le présentéisme va traduire différents états :
La démotivation au travail. On parle de « présentéisme contemplatif » ou « d’absentéisme moral ». Même si le salarié est physiquement sur son lieu de travail, l’esprit n’y est pas. Il n’est absolument pas productif.
La stratégie salariale : ou « présentéisme stratégique ». C’est celui qui consiste à rester tard le soir pour se faire bien voir en montrant sa motivation au travail. Mais cela ne veut pas nécessairement dire être plus productif.
La sur implication dans son travail : le collaborateur se rend sur son poste de travail alors qu’il n’est pas en état de le faire ou qu’il ne devrait pas le faire : arrêt maladie, congés, week-end, heures supplémentaires non payées …
Malgré les idées reçues, ces 3 situations vont représenter un coût pour l’entreprise et pourraient à terme, entraîner des répercussions négatives.
Il est donc impératif pour ces entreprises de comprendre ces situations pour lutter efficacement contre le présentéisme.
Quel coût du présentéisme au travail ?
La perte de productivité
Le présentéisme au travail implique plusieurs coûts pour l’entreprise.
Le premier d’entre eux et pas des moindre est la perte de productivité. Quoiqu’on en pense, le temps passé à son poste de travail n’est pas proportionnel à l’efficacité du collaborateur. Bien au contraire.
Que l’on parle de présentéisme contemplatif, de présentéisme stratégique ou de sur implication, ces 3 situations engagent nécessairement des effets pervers sur la qualité du travail fourni.
Le manque de concentration, l’épuisement émotionnel d’un salarié trop présent peut le conduire à faire des erreurs de production et /ou d’appréciation avec pour conséquence des répercutions financières pour l’entreprise.
La santé au travail
Le second coût du présentéisme porte sur les dépenses liées à la santé au travail.
Pour un collaborateur qui revient travailler alors qu’il est en arrêt de travail, le surprésentéisme pourrait aggraver son état de santé. Il pourrait mettre plus de temps à se remettre de sa pathologie.
En période d’épidémie, ce collaborateur pourrait aussi contaminer ses collègues de travail…
Enfin le surprésentéisme, qui traduit souvent un mal-être au travail, est susceptible d’avoir un impact sur le capital émotionnel des collaborateurs, qui pourrait entraîner des répercussions graves pouvant aller jusqu’au burnout.
Outre l’aspect économique direct, le présentéisme peut avoir un impact sur l’ensemble des collaborateurs et la vie de l’entreprise :
Hausse de l’insatisfaction au travail manque de reconnaissance, impression de ne pas être rémunéré à la hauteur de l’engagement…
Dégradation du climat social et de la qualité de vie au travail (stress)
Détérioration de l’image de l’entreprise vis-à-vis des clients et vis-à-vis de sa marque employeur (difficulté à recruter) …
Comment prévenir le présentéisme ?
En France, notre culture du travail veut que nous privilégiions la quantité à la qualité du travail fourni. C’est ainsi qu’au fil des années, nous sommes tombés dans le cercle vicieux du présentéisme.
A l’heure du bien-être au travail et des crises économiques que nous sommes en passe de traverser, il devient nécessaire de changer notre fusil d’épaule et de valoriser la quête du résultat plutôt que celle du temps passé à essayer de l’obtenir.
La lutte du présentéisme passe par le fait de redynamiser l’efficacité des collaborateurs. Les entreprises deviennent les garants du bien-être physique et psychique de leurs équipes.
Pour cela, il est possible d’actionner différents leviers en termes de méthodes managériales, sur le temps de travail ou encore sur l’organisation :
Coach management, slow management, management par la confiance, management par objectif…
Modification de l’organisation du travail : télétravail, mise en place d’horaires d’ouverture et de fermeture des locaux, mise en avant du travail collaboratif, mise en place de formation sur la gestion des tâches, …
Droit à la déconnexion, généralisation de back-up dans l’entreprise (limite la perte de productivité et d’information en cas d’absence d’un salarié)
Favorisez une véritable productivité, au lieu de miser sur le présentéisme.
Scott Belsky, entrepreneur et auteur américain. Tweet